Née en 1903 sous le nom de Germaine Emilie Krebs, cette jeune fille rêvait d'être sculpteur ou danseuse. Elle voulait coudre sans fil et sans aiguille. Elle débuta en tant que modiste, mais c'est seulement en 1932 qu'elle commence à travailler comme couturière dans son atelier "Alex Couture", sa première maison de couture. L'année suivante avec son amie Juliette Barton, elle ouvre "Alix Barton", dans un appartement de trois pièces Rue Mirosmesnil. Et en 1934 elle crée pour la première fois sous son propre nom "Alix" dans l'atelier du 83 Faubourg St. Honoré.
Sous ce nom "Alix", elle obtient ses premiers succès en dessinant les costumes pour la pièce de Jean Giraudoux "La guerre de Troie n'aura pas lieu", mis en scène par Louis Jouvet et produit au Théâtre de L'Athénée à Paris en Novembre 1935.
Madame Grès dessina ses vêtements pour femmes comme des pièces d'art unique: elle sculpta le tissus directement sur le corps des mannequins. Ainsi, son nom devint synonyme de chefs d'oeuvres de patrons sur mesure: habits en jersey fluides, beaux costumes en soie pour le soir. Ses créations furent innombrables et très variées et toutes entièrement "Haute Couture".
Avant la deuxième guerre mondiale, les personnalités du monde entier et surtout les étoiles du théâtre se rassemblent autour de cette nouvelle "star de l'élégance". Ses clientes couronnées sont la Duchesse de Talleyrand, la Comptesse Munose, la Princesse Matilda de Grèce, Lady Deterling, Lady Mendl, la Duchesse de Windsor et les Princesses de Bourbon-Parme.
Elle habilla Marlène Dietrich quand celle-ci se trouvait au zénith de la gloire. Même des stars comme Greta Garbo, Vivian Leigh, Dolores del Rio, Yvonne Printemps, Arletty, Sylvana Mangano et Madeleine Renaud sont inscrites dans son livre d'or. Ses drapés compliqués attirent les clients des plus excentriques: une cliente commanda la même robe six fois. Une des premières muses de Madame Grès fut Isadora Duncan, la première ballerine à danser pieds-nus dans une tunique courte.
En 1942, elle commence à travailler sous le nom de GRES, un anagramme du prénom de son mari: Serge Czerefkov, anagramme que celui utilise pour signer ses tableaux. Peu après son mariage avec ce peintre Russe en 1937, ce dernier quitta la France pour se rendre en Polynésie - et oublia de revenir. Dans sa solitude, elle se tourna alors d'autant plus vers les tissus qui firent vibrer son imagination.
Pendant l'occupation Allemande, sa maison de couture se voit fermé en 1943, seulement six mois après l'ouverture. Patriote jusqu'au bout, Madame Grès dessine sa première collection autour des couleurs bleu, blanc et rouge de la Tricolore et elle accroche un immense drapeau Français aux fenêtres du premier étage de sa maison de couture du No 1, Rue de la Paix. De surcroît, elle utilise des tissus qu'elle se procure sur le marché noir: Madame Grès refuse de suivre les restrictions imposées par les Allemands sur l'utilisation des tissus. Elle préfère commander ses tricots de soie artificielle et ses jerseys directement auprès des producteurs, et en quantités abondantes. Après s'être réfugiée dans les Pyrénées jusqu'à la fin de la guerre, elle retourne à Paris portant son fameux turban en angora qui devînt son symbole.
En 1956, Madame Grès est choisie par la "Fondation Ford" parmi tous les couturiers parisiens pour aller en Inde étudier les meilleures techniques d'adaptation des tissages Indiens pour le marché occidental. Fascinée par tout ce qu'elle voit et surtout par les odeurs exotiques et parfums rares qu'elle découvre lors de ce voyage, elle imagine créer un parfum qu'elle pourra offrir aux femmes comme un bijou rare. Pour la femme, elle invente CABOCHARD. Cette fragrance qui va inspirer toute une génération de parfums sur les notes cuir-chypre: Miss Balmain en 1967, Aramis (1964), Cachet (1970) and Montana (1986) pour ne nommer que quelques-uns.
Madame Grès reçut beaucoup de prix et de titres. Elle est nommée Présidente de la "Chambre Syndicale de la Couture Parisienne" et en 1976, cette grande couturière était la première à recevoir le "Dé d'Or de la Haute Couture". En 1980, elle est considérée comme la "Femme la plus élégante du monde" et dans la même année, Madame Grès est nommée "Chevalier de la Légion d'Honneur" pour sa contribution à la renommée mondiale de la France. C'est également l'année où elle présente sa première collection de Prêt-à-porter "Grès Boutique", formule qu'elle avait jusqu'à lors refusée.
En 1988, dans "L'Histoire de la mode du 20ème siècle", éditée par le magazine Vogue, elle est nommée "La plus grande couturière contemporaine". Son travail est tenu en très haute estime par ses pairs. Bill Blass, par exemple, trouvait que la mode ne pouvait pas être considéré comme un art propre, "c'est un métier, souvent un métier technique. La mode ne devient réellement un art que dans les mains de Madame Grès ou Balenciaga".
En 1982, Madame Grès se voit forcée de vendre son affaire de parfums, son entreprise la plus profitable. Elle réinvestit l'argent dans la maison de Haute-couture, mais en 1984 elle doit finalement tout vendre à Bernard Tapie, homme d'affaires français considéré comme un jeune businessman agressif, et dont la réputation à cette époque n'avait pas encore était entâchée par les affaires en justice et les scandales qui allaient suivre. Il revend la compagnie trois ans plus tard au groupe Jacques Esterel. La maison Grès est alors exclue de la Chambre Syndicale de la Haute-Couture, pour dettes impayées. Les ateliers du No. 1, Rue de la Paix sont liquidés en 1987, pendant que Madame Grès est encore présente. Trois étages vidés en une journée. Une vie détruite "ils ont cassé les meubles et les mannequins en bois avec des haches", Anne Grès raconté à Laurence Benaîm, journaliste et directrice des pages de mode dans "Le Monde" et l'auteur d'un très beau livre intitulé "GRÈS" (Assouline Publishing).
Une entreprise japonaise du nom de Yagi Tsusho achète la marque "Grès" en 1988. Madame Grès quitte Paris en 1990 avec sa fille pour vivre dans le Sud de la France dans une maison de retraite. Elle décède en Novembre 1993 mais sa mort n'est pas rendue publique. Quand on en prend connaissance dans "Le Monde" en Décembre 1994, Anne, sa fille, accepte finalement de parler: "Avant tout, je voulais la protéger. Tous ces gens qui se servaient d'elle auraient trouvé un moyen de briller une nouvelle fois à ses frais. C'était un secret par amour." Madame Grès nous a quittés comme elle a vécu: discrètement.
Plus tard, la compagnie "Parfums Grès" fut reprise par la distribution Lamotte Taurelle et ensuite vendue à FMF (Financière des Manufacteurs de France), une subsidiaire de Altus Finance. Le groupe Escada racheta les licences et les vendit en 2001 à Silvio Denz, le propriétaire actuel qui investit beaucoup dans la renaissance de cette prestigieuse marque. Parfums Grès SA est basé à Cham/Suisse. En 2003, le nouveau parfum "CABARET" fut présenté au publique et en 2004, la ligne "Cabaret Pour Homme" est lancée. La dernière nouveauté s'appelle "CALINE", lancée sur le marché mondial en 2005.